martedì 14 agosto 2012

ANTROPOLOGIA E TERRITORIO. RICARDO UZTARROZ, LA FAVOLA DELLA TRIBU' SCONOSCIUTA, BRESIL-INDIGENE. BLOGSPOT


De leurs plumes acérées, Esope ou Jean de La Fontaine en auraient assurément extrait une acide fable dont la probable morale eût été : «La ruse la mieux ourdie/ Peut nuire à son inventeur/Et souvent la [supercherie]/ Retourne à son auteur » (1).


A peine découverte, l’Amazonie a engendré une multitude de mythes : femmes guerrières, les Amazones, au sein amputé pour mieux bander leur arc, l’Eldorado («le Doré»), prince introuvable qui s’immergeait, le corps enduit de poussière d’or, tous les ans dans un lac en hommage au Soleil, acéphales, êtres sans tête ayant les yeux sur les pectoraux, le nez au milieu du thorax, la bouche un peu au-dessus du nombril et les cheveux sur le dos, géants trois fois plus grands que le commun des mortels, rois blancs adoptés et vénérés par des peuplades indigènes emplumées, mystérieuses villes fortifiées dont, pour l’instant, on n’a toujours pas trouvé le moindre vestige, Indiens blancs et blonds survivants d’un hypothétique naufrage, ruines de cités monumentales de pierre enfouies au cœur de la jungle bâties par les rescapés de l’Atlantide, et, dernier avatar à ce jour de cette série non exhaustive, la tribu inconnue vivant cachée au plus profond de la jungle.


Le 30 mai dernier (2008), des photos attestant de la découverte inopinée de l’une d’elles firent le tour du monde.



L’ébahissement fut universel. Ainsi, il existait encore dans les franges de notre planète des êtres qui avaient échappé au rouleau compresseur de la société occidentale.



Cependant, la nouvelle laissa sceptiques tous ceux qui s’intéressent, avec sérieux, au sort inexorable de l’ultime grande forêt tropicale, à savoir sa lente et implacable destruction. Car il était acquis depuis la fin des années 1980 que de tribus inconnues, il n’en existait point. La confirmation de ce doute ne tarda guère.

Le jour même, acculé par un journaliste, Felix da Silva, du site d’informations espagnol Soitu.es, l’auteur des clichés, un fonctionnaire de la Funai, l’agence gouvernementale brésilienne de protection des populations indigènes, Juan Carlos Meirelles Junior, spécialiste des groupes indiens dits «isolés» ou «non-contactés»,
convenait que la tribu en question était connue tout bonnement depuis 1910.



(1) La Fontaine,«La Grenouille et le Rat».La citation exacte est : «et souvent la perfidie/ Retourne à son auteur».



Au demeurant, pour la localiser du haut de son Cessna Skylane dans la touffeur de la jungle, contrairement à ce qu’il avait suggéré, il n’avait pas rencontré de grandes difficultés puisqu’une carte, consultable depuis des mois sur le site de la Funai, donne son emplacement exact, sur la rive gauche de la rivière Envira, dans l’Etat d’Acre, à une cinquantaine de kilomètres au nord de la frontière péruvienne. Qui plus est, il était, lui-même, personnellement chargé de son observation et protection depuis vingt ans. Pourtant, cela ne l’avait pas empêché la veille de soutenir que cette tribu était une tribu «péruvienne» menacée «par l’exploitation illégale de la forêt» dans «son pays», etqui n’avait pas eu d’autre ressource que de fuir en territoire brésilien.



Un peu plus de trois semaines après, The Guardian revenait dans son supplément hebdomadaire, The Observer, à la charge, obligeant Survival International, une ONG anglaise, à l’origine de la diffusion mondiale de ces photos dont l’une montre deux Indiens sur le point de décocher une flèche en direction de l’avion qui les photographie, à s’expliquer sur ce qui s’imposait dorénavant comme une grossière supercherie.

Elle répliquait en affirmant qu’elle n’avait jamais prétendu qu’il s’agissait d’une tribu «inconnue». Il faut lui en donner acte mais, elle aussi, elle doit convenir que la formulation de son communiqué qui accompagnait les photos induisait le malentendu. Voici ce qu’écrivait Survival : «Des Indiens parmi les derniers groupes isolés au monde ont été repérés et photographiés par un avion […].»



Les derniers


Dans ce contexte, le sens de repérer n’est pas loin d’être synonyme de trouver ou de découvrir, et isolés suggère, à notre imaginaire de «civilisés», presque automatiquement inconnus.

Les deux ultimes tribus réellement inconnues ont été découvertes en 1988, en Colombie, les Nukak Maku, et en 1989, au Brésil, les Zo’e, dont la caractéristique est d’avoir la lèvre inférieure percée par un gros morceau de bois cylindrique.


Les ethnologues Jorge Restrepo et Dominique Gallois, qui furent dépêchés par les autorités de leur pays pour les étudier, constatèrent que ces Indiens inconnus avaient déjà eu des contacts plus ou moins épisodiques, depuis longtemps, avec des missionnaires évangéliques de l’église protestante américaine New Tribes Mission, très active en Amazonie, qui avaient jalousement gardé le secret leur découverte.

Concernant les Nukak Maku, leur rencontre avec «l’homme blanc» a été antérieure à l’arrivée de ces missionnaires. Les premiers «civilisés» qu’ils ont vus, sans doute au début des années 1960, ont été des guérilleros, leur territoire se trouvant au cœur de ce qui allait devenir le sanctuaire des Farc, dans le département de Guaviare, là où a été détenue Ingrid Betancourt. Estimés à quelque trois cents individus, la moitié d’entre eux, chassés par la guerre, croupissent dans un campement appelé Aguabonita(«eau belle») dans la banlieue du chef-lieu du département San José de Guaviare, à 400 km au sud-est de Bogotá.



Ricardo Uztarroz ancien correspondant de l’AFP au Brésil et au Pérou.
QUOTIDIEN : vendredi 29 août 2008


De leurs plumes acérées, Esope ou Jean de La Fontaine en auraient assurément extrait une acide fable dont la probable morale eût été : «La ruse la mieux ourdie/ Peut nuire à son inventeur/Et souvent la [supercherie]/ Retourne à son auteur » (1).


A peine découverte, l’Amazonie a engendré une multitude de mythes : femmes guerrières, les Amazones, au sein amputé pour mieux bander leur arc, l’Eldorado («le Doré»), prince introuvable qui s’immergeait, le corps enduit de poussière d’or, tous les ans dans un lac en hommage au Soleil, acéphales, êtres sans tête ayant les yeux sur les pectoraux, le nez au milieu du thorax, la bouche un peu au-dessus du nombril et les cheveux sur le dos, géants trois fois plus grands que le commun des mortels, rois blancs adoptés et vénérés par des peuplades indigènes emplumées, mystérieuses villes fortifiées dont, pour l’instant, on n’a toujours pas trouvé le moindre vestige, Indiens blancs et blonds survivants d’un hypothétique naufrage, ruines de cités monumentales de pierre enfouies au cœur de la jungle bâties par les rescapés de l’Atlantide, et, dernier avatar à ce jour de cette série non exhaustive, la tribu inconnue vivant cachée au plus profond de la jungle.



Le 30 mai dernier (2008), des photos attestant de la découverte inopinée de l’une d’elles firent le tour du monde.



L’ébahissement fut universel. Ainsi, il existait encore dans les franges de notre planète des êtres qui avaient échappé au rouleau compresseur de la société occidentale.



Cependant, la nouvelle laissa sceptiques tous ceux qui s’intéressent, avec sérieux, au sort inexorable de l’ultime grande forêt tropicale, à savoir sa lente et implacable destruction. Car il était acquis depuis la fin des années 1980 que de tribus inconnues, il n’en existait point. La confirmation de ce doute ne tarda guère.

Le jour même, acculé par un journaliste, Felix da Silva, du site d’informations espagnol Soitu.es, l’auteur des clichés, un fonctionnaire de la Funai, l’agence gouvernementale brésilienne de protection des populations indigènes, Juan Carlos Meirelles Junior, spécialiste des groupes indiens dits «isolés» ou «non-contactés»,
convenait que la tribu en question était connue tout bonnement depuis 1910.



(1) La Fontaine,«La Grenouille et le Rat».La citation exacte est : «et souvent la perfidie/ Retourne à son auteur».


Grossière supercherie



Au demeurant, pour la localiser du haut de son Cessna Skylane dans la touffeur de la jungle, contrairement à ce qu’il avait suggéré, il n’avait pas rencontré de grandes difficultés puisqu’une carte, consultable depuis des mois sur le site de la Funai, donne son emplacement exact, sur la rive gauche de la rivière Envira, dans l’Etat d’Acre, à une cinquantaine de kilomètres au nord de la frontière péruvienne. Qui plus est, il était, lui-même, personnellement chargé de son observation et protection depuis vingt ans. Pourtant, cela ne l’avait pas empêché la veille de soutenir que cette tribu était une tribu «péruvienne» menacée «par l’exploitation illégale de la forêt» dans «son pays», etqui n’avait pas eu d’autre ressource que de fuir en territoire brésilien.



Un peu plus de trois semaines après, The Guardian revenait dans son supplément hebdomadaire, The Observer, à la charge, obligeant Survival International, une ONG anglaise, à l’origine de la diffusion mondiale de ces photos dont l’une montre deux Indiens sur le point de décocher une flèche en direction de l’avion qui les photographie, à s’expliquer sur ce qui s’imposait dorénavant comme une grossière supercherie.

Elle répliquait en affirmant qu’elle n’avait jamais prétendu qu’il s’agissait d’une tribu «inconnue». Il faut lui en donner acte mais, elle aussi, elle doit convenir que la formulation de son communiqué qui accompagnait les photos induisait le malentendu. Voici ce qu’écrivait Survival : «Des Indiens parmi les derniers groupes isolés au monde ont été repérés et photographiés par un avion […].»

Source: Libération http://www.liberation.fr/rebonds/348167.FR.php

Les derniers


Dans ce contexte, le sens de repérer n’est pas loin d’être synonyme de trouver ou de découvrir, et isolés suggère, à notre imaginaire de «civilisés», presque automatiquement inconnus.

Les deux ultimes tribus réellement inconnues ont été découvertes en 1988, en Colombie, les Nukak Maku, et en 1989, au Brésil, les Zo’e, dont la caractéristique est d’avoir la lèvre inférieure percée par un gros morceau de bois cylindrique.


Les ethnologues Jorge Restrepo et Dominique Gallois, qui furent dépêchés par les autorités de leur pays pour les étudier, constatèrent que ces Indiens inconnus avaient déjà eu des contacts plus ou moins épisodiques, depuis longtemps, avec des missionnaires évangéliques de l’église protestante américaine New Tribes Mission, très active en Amazonie, qui avaient jalousement gardé le secret leur découverte.

Concernant les Nukak Maku, leur rencontre avec «l’homme blanc» a été antérieure à l’arrivée de ces missionnaires. Les premiers «civilisés» qu’ils ont vus, sans doute au début des années 1960, ont été des guérilleros, leur territoire se trouvant au cœur de ce qui allait devenir le sanctuaire des Farc, dans le département de Guaviare, là où a été détenue Ingrid Betancourt. Estimés à quelque trois cents individus, la moitié d’entre eux, chassés par la guerre, croupissent dans un campement appelé Aguabonita(«eau belle») dans la banlieue du chef-lieu du département San José de Guaviare, à 400 km au sud-est de Bogotá.

 


Serait-il vraiment impossible ?


Continuer à imaginer de nos jours que des êtres humains puissent vivre cachés au plus profond d’une jungle n’a pas le moindre fondement car, au plus profond de la jungle, la vie humaine y est impossible, tout simplement parce qu’on y meurt de faim et de soif.

Au cœur de l’Amazonie, c’est le règne de la pourriture, de l’humus, des insectes, de quelques reptiles. La vie humaine n’y est possible que sur les berges des rivières. Or, celles-ci avaient toutes été explorées à la fin des années 1950 et, par la même occasion, à l’exception des Nukak Maku et des Zo’e, toutes les tribus avaient été dûment recensées.

Quant aux groupes dits «isolés», comme le souligne l’anthropologue mexicain Rodolfo Stavenhagen, «ce ne sont pas des populations non contactées par la civilisation mais des groupes qui ont fui ce contact et renoué avec leur vie ancestrale». Souvent pour des raisons de survie, et notamment de consanguinité, tôt ou tard, ces Indiens isolés rejoignent le tronc principal de leur tribu pour, peut-être, s’en séparer une nouvelle fois plus tard.



Les conditions de vie en Amazonie rendent impossible les grosses concentrations humaines. Ainsi, les Xavantes, qui sont à peu près 10 000, se répartissent en quelque soixante-dix petits groupes d’une centaine d’individus, éparpillés sur un vaste territoire, donc forcément isolés les uns des autres. En fait, l’isolement dans les civilisations indiennes d’Amazonie n’est pas l’exception, mais la règle.


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